Synopsis.
Affirmer que la lutte contre le réchauffement climatique constitue le plus grand défi auquel l’humanité n’ait jamais été confrontée est un poncif dont la seule utilité est de servir de phrase d’introduction aux dirigeants du monde lors des séances d’inauguration des COP censées, précisément, permettre la mise en œuvre d’une gouvernance mondiale efficace et juste.
Or, force est de constater que les 29 COP successives constituent un échec patent : les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique n’ont cessé de croître depuis la Convention de Rio pour atteindre, en 2022 (COP 27), un seuil de 60 % supérieur aux niveaux de 1992.
Comment expliquer cet échec que les cris d’enthousiasme ayant salué les accords de Paris en 2015 ne parviendront pas à occulter puisqu’il est d’ores et déjà acquis que la limite de 1,5 °C d’augmentation de température, à la fin du siècle, est déjà obsolète?
Cette situation dommageable reflète les incohérences internes de la stratégie de lutte contre le réchauffement climatique, stratégie minée par des biais idéologiques, des conflits d’intérêts et une méthodologie rendant difficile, voire impossible, l’émergence d’un accord mondial de coopération mutuellement avantageux.
En l’absence d’un gouvernement mondial, un tel accord serait pourtant une condition nécessaire, mais non suffisante, pour atteindre les objectifs des accords de Paris. Le transport aérien, crédité de 3 % des émissions totales de GES dans le monde, n’échappe pas à ce constat.
Entre les tenants d’une régulation forte du secteur – obligations en matière d’efficacité énergétique, taxes sur le kérosène, taxes sur les billets d’avion, « Flygskam » – et ceux qui nous promettent une aviation « zéro carbone » à l’horizon 2050, le débat reste englué dans une confusion entre des concepts fondamentaux tels que « renouvelable », « durable », « énergie verte » et « neutralité carbone, » pour ne citer que ceux-là.
Le problème n’est pas l’avion en soi, mais l’usage croissant que nous en faisons. Par conséquent, la question qui se pose est celle de la compatibilité entre une croissance économique mondialisée, à laquelle participe le transport aérien commercial, et la lutte contre le réchauffement climatique.
Les progrès technologiques dans le domaine aéronautique ne permettront pas d’atteindre les objectifs de réduction nécessaires pour rester cohérents avec les accords de Paris, ce qui implique inéluctablement l’introduction d’un outil jusqu’à présent honni : la régulation de la demande, donc de la consommation.
Mais comment faire et sur quelles bases ? Il s’agit là d’un véritable nœud gordien : pouvoir concilier efficacité économique et équité, problème que la communauté internationale ne pourra éluder au risque de ruiner toute la stratégie de lutte contre le réchauffement climatique.
L’objectif de ce livre est de proposer une lecture critique de cette vision par trop manichéenne du transport aérien et de sa responsabilité dans le changement climatique. Il est illusoire de réduire le débat à une approche binaire. Il s’agira tout d’abord d’effectuer un travail de déconstruction, de séparer ce qui relève du mythe, des croyances et/ou du « greenwashing » de ce qui est de l’ordre des faits objectivables.
Dans un deuxième temps, il sera question de mettre en évidence la faiblesse principale de la Stratégie Carbone dans le transport aérien, à savoir l’incompatibilité entre la contrainte temporelle de l’inflexion nécessaire de la courbe des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial et les limites de la technologie comme solution à court et moyen termes (2050). Les émissions doivent diminuer de manière effective et sans délai, alors que la technologie reste encore, du moins si l'on considère les besoins présents et futurs, au stade des promesses et de la spéculation.
La problématique rencontrée par le transport aérien révèle un enjeu majeur qui transcende son seul secteur et interpelle l'humanité dans son ensemble : l'accès à une énergie à la fois économique et universellement accessible, dans un contexte global marqué par l'urgence climatique et les limites intrinsèques des énergies renouvelables.
Dans ces conditions, comment définir, et est-ce seulement possible, un socle axiologique qui soit à même de concilier répartition équitable de l'accès à un bien social – le transport aérien, et plus largement l'énergie – et l'intégration du coût des externalités environnementales, notamment les effets délétères du réchauffement climatique ?
C'est précisément la dimension éthique de cette équation complexe qui fera l’objet de la troisième partie. Sans ambition d'exhaustivité, cette démarche consistera à explorer des pistes de réflexion novatrices, inspirées par deux théories de la justice, et en rupture avec le réductionnisme méthodologique usuel qui tend à séparer efficacité économique et équité.
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